Dis moi comment tu es curieux .se et je te dirai …
Rien.
Je ne te dirai rien car ce n’est pas à moi de te dire. Ce que je peux faire c’est te parler de moi. Oui j’ai décidé de te tutoyer, ici, dans cet espace qui bien que virtuel est directement connecté à mon être et donc au tien, toi qui me lit.
Alors non, ici, tu ne trouveras pas de conseils, de recettes, de bonnes pratiques. Il y a bien d’autres endroits où tu peux en trouver, moi ce n’est pas trop mon truc.
Alors c’est quoi mon truc ?
La curiosité.
C’est la curiosité qui m’anime depuis toujours. C’est ça qui fait l’élan vers l’autre, l’envie irrésistible de poser des questions, l’énergie pour discuter sans fin, l’écoute, l’accueil, le partage.
C’est la curiosité qui me fait adorer Google qui m’ouvre les portes vers une masse de savoir, d’informations et me transforme en journaliste d’investigation croisée avec un détective privé !
Avant Google, avant internet, c’était dans les livres que j’allais me perdre pour mieux me trouver et je n’ai jamais arrêté. Il y a tellement de livres que j’ai envie de lire que ma vie ne va pas suffire. Je lis toujours plusieurs livres en même temps. J’ai essayé de faire autrement, de me dire que ce serait peut-être mieux d’en prendre un, de le lire de A à Z avant de passer au suivant mais non, ce n’est pas comme cela que je fonctionne.
Mes livres sont comme les couleurs sur la palette du peintre. J’y plonge mes yeux comme lui le pinceau et je compose mon tableau. Il y a les lectures du matin et celles du soir. Les livres « sérieux » qui demandent concentration et ceux plus « légers » à lire à la terrasse d’un café (comme elles me manquent les terrasses des cafés …). J’aime me souvenir de l’endroit où j’ai lu tel ou tel livre. Je me souviens particulièrement de Shining de Stephen King lu dans le RER parisien. Je devais avoir une vingtaine d’années, je tenais le livre du bout des doigts tellement l’histoire me faisait peur, osant à peine tourner la page comme si les mots allaient me sauter au visage ! Je me vois encore assise sur le siège à droite à côté de la fenêtre jetant un oeil rapide à la personne en face de moi pour voir si elle avait remarqué mon attitude, entre gène et amusement de moi-même.
Je me souviens aussi pleinement du Pouvoir du moment présent d’Eckhart Tolle lu dans ma chambre il y a une bonne dizaine d’années et dont la lecture a provoqué un changement profond, cellulaire, organique dans mon rapport au monde. Je me vois en train de regarder le mur en face de moi, la fenêtre, le vide, de ressentir la densité du présent et me dire « à cette seconde tout va bien ».
Le point commun entre ces deux souvenirs de lectures si différentes l’une de l’autre ? L’émotion. Les émotions ressenties à ces moment là et qui ancrent à jamais le souvenir.
Je ne sais pas comment tu composes ton tableau… ni comment tu vis la curiosité.
Il y a pour moi des souvenirs de l’enfance en mode injonction : la curiosité est un vilain défaut ! Me voilà bien avec une sentence pareille. Comment je vais faire pour satisfaire ma soif de comprendre si je ne peux pas poser des questions ou faire des recherches ? Bon, j’ai rapidement compris que cette formulation visait surtout à préserver les adultes de la curiosité des enfants envers leurs sujets d’adultes et qu’ils suffisait de les laisser à leurs préoccupations pour pouvoir tranquillement m’occuper des miennes. Mais quand même … il est de ces phrases qui instillent un goût amer et pendant, très, longtemps, il est resté en moi un petit sentiment de culpabilité lorsque je faisais « ma curieuse ».
Aujourd’hui je trouve que la curiosité est une composante merveilleuse de mon être et lui faire honneur ici fut un élan d’évidence.
C’est la curiosité qui me fait rencontrer des êtres humains, les écouter, leur parler, partager un instant de vie, avoir envie de les revoir.
C’est la curiosité qui me donne envie de comprendre le sens de quelque chose que je découvre et que je ne connais pas, un mot, un concept, une discipline.
C’est la curiosité qui éveille mes sens devant une assiette et me fait regarder, sentir, toucher, goûter.
C’est la curiosité qui me fait répondre Oui lorsque l’on me propose une sortie, un voyage, une rencontre, une expérience.
Est-ce la curiosité qui m’a donné l’élan d’écrire cette Lettre ? Il se peut que je vous parle de cet élan une prochaine fois …
Je laisse, à cet instant, toute sa place à la curiosité. J’ai comme envie de la réhabiliter. Alors oui bien sûr, je connais des personnes, comme toi surement, qui pourraient être qualifiées de « trop » curieuses. Parce qu’elles posent des questions « indiscrètes » ou dépassent la ligne invisible entre ce qui se fait et ce qui ne se fait pas. Mais est-ce alors de la curiosité ? N’y a t’il pas autre chose à l’oeuvre à ce moment là chez ces personnes ? N’y a t’il pas aussi quelque chose à l’oeuvre en nous qui nous fait nous sentir mal à l’aise face aux questions posées ?
Dans mon parcours de rencontre avec moi, un jour j’ai pris conscience que je n’avais pas à répondre à toutes les questions que l’on me posait en donnant l’information qui était attendue (ou celle que je croyais qui était attendue), j’avais juste à répondre ma vérité. Vérité qui peut être : je ne sais pas, je n’ai pas envie de répondre à cette question, je suis mal à l’aise avec ta question je préfère que l’on change de sujet, garder le silence, voir quitter les lieux. J’ai compris que Ma réponse face à une question que l’on me pose, quelque soit l’interlocuteur, passe par un questionnement intérieur afin de m’écouter et agir en fonction de moi. La question qu’une personne me pose lui appartient, ma réponse m’appartient. Je vois que j’ai beaucoup d’autres choses à te raconter sur les questions, comment formuler une demande, une réponse, j’y reviendrai.
Sans la curiosité, je ne serais pas allé à ma rencontre, je ne me serais pas comprise comme je me suis comprise et je ne serais pas en train de t’écrire. J’aime ma curiosité, dans tous les sens du terme et je vais continuer à la chérir et à l’associer à d’autres qualités dont je te parlerai dans un prochain article.
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